Verbalisation et travail collaboratif : une expérience de TP de physique à l’université
Les recherches que nous menons actuellement concernent une réflexion sur la mise en mots de la pratique au cours de séances de travaux pratiques à l’université. Il s’agit de provoquer une rencontre avec le savoir, à travers un récit sur l’activité, en confrontant celui-ci à la médiation des pairs. En termes d’objectifs d’apprentissage, l’hypothèse principale interroge le passage entre un registre pragmatique de la connaissance, « le vécu » dans la séance, la réussite dans l’action et un registre épistémique de la connaissance, permettant de restituer la pratique dans l’ensemble des concepts qui sont en jeu. On peut citer R. Wittorski [1] : « la mise en mots remplit alors une fonction de transformation de l’action en connaissances sur l’action ». L’enseignement dont il est question dans cette étude fait partie d’un module qui porte sur les phénomènes ondulatoires et vibrationnels en troisième année de licence de physique et applications. Ce module se déroule traditionnellement sous forme de cours, de travaux dirigés, et de travaux pratiques (TP). La partie qui nous intéresse plus particulièrement concerne les TP. Elle se décompose en quatre séances d’enseignement, chacune portant sur l’étude d’une expérience de physique. Chaque séance se déroule sur une durée de 3 heures et les étudiants travaillent en binôme. Pour des raisons budgétaires, l’organisation des ces TP est dite tournante. On entend par là que tous les étudiants de la séance ne réalisent pas la même expérience le même jour, ce qui évite de dupliquer les expériences. Ils réalisent bien les quatre expériences proposées mais sur l’ensemble du module, ce qui impose un ordre chronologique différent pour chaque binôme. Outre l’intérêt budgétaire, cette configuration présente également un intérêt pédagogique. Par rapport au guidage, plus ou moins serré, effectué par l’enseignant [2], cette configuration présente l’avantage de limiter le surplomb de l’enseignant car il intervient de manière différentiée, par rapport aux contenus et à la chronologie. De plus, lorsque nous proposons des enseignements de TP de type tournant, nous constatons que cette configuration favorise le travail collaboratif entre pairs. Ce travail reste souvent informel et assez peu structuré. L’idée de cette étude est donc de proposer un cadre à ce travail collaboratif. Ainsi, à chaque fin de séance, nous avons demandé aux étudiants de préparer et présenter un exposé sur l’activité qu’ils ont mis en oeuvre durant l’expérience, aux étudiants qui auront à travailler sur cette même expérience la semaine suivante. Deux avantages potentiels sont identifiés du côté des apprenants : d’une part, le récit peut aider le binôme d’écoute à la compréhension du cahier de TP, très souvent abstrait et théorique. D’autre part, la mise en mots pourrait permettre au binôme du récit de se mettre à disposition de ses collègues, en jouant le rôle de savant. La médiation serait encouragée du fait que le binôme d’écoute devra réaliser l’expérience exposée. Nous pensons que ce travail de formalisation devrait permettre au binôme du récit de faire le point sur ses propres travaux (travail réflexif) et au binôme d’écoute d’être plus à même de préparer la séance future. Cet intérêt croisé peut-il favoriser un espace de travail collaboratif, entre pairs, efficace ? Cette reconstitution de la pratique permettra-t-elle le passage d’un registre pragmatique vers un registre épistémique de la connaissance ? [3] Nous avons procédé à l’enregistrement vidéo de trois récits d’un même binôme, sur trois expériences différentes. Les transcriptions sont en cours d’analyse. Références [1] R. Vittorsky, “Les rapport théorie-pratique dans la conduite des dispositifs d’analyse des pratiques” Education permanente 160, 61-70 (2004). [2] M. Beney and J.-Y. Guinard, “L’évaluation de l’efficacité du guidage dans les travaux pratiques de DEUG : un problème méthodologique complexe” Didaskalia 24, 29-64 (2004). [3] P. Pastre, P. Mayen, G. Vergnaud, “La didactique professionnelle : note de synthèse”, Revue Française de pédagogie 154, 145-198 (2006).
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