La Langue des Calculs (1798) : Condillac et l’enseignement des mathématiques
Le traité de mathématiques élémentaires que Condillac rédige à la fin de sa carrière, La langue des calculs, n’a pas connu le destin heureux des grands textes qui firent la gloire philosophique de l’abbé (Essai sur l’origine des connaissances humaines 1746, Traité des sensations 1754 etc.). Publié de façon posthume en 1798, cet ouvrage inachevé reçut un accueil réservé des contemporains (même les « idéologues », que l’on peut considérer comme les héritiers intellectuels de Condillac, ne furent pas unanimes à son sujet), avant de tomber assez rapidement dans l’oubli dès le milieu du 19e siècle. Quoique les raisons de ce parcours sans éclat soient multiples, le livre semble avoir surtout pâti, outre le fait de n’avoir pas pour auteur un authentique mathématicien, du caractère apparemment flou et hybride de ses finalités : s’agit-il d’un ouvrage pédagogique à destination des commençants ? D’un traité proposant, à un public de philosophes avertis, une théorie génétique de l’arithmétique et de l’algèbre ? Des deux à la fois ? Son inachèvement, enfin, ne pouvait manquer de susciter des doutes : fallait-il n’y voir qu’un événement accidentel dû à la mort de Condillac ou au contraire l’indice d’une difficulté plus profonde, remettant en cause le bien-fondé de l’entreprise elle-même ?
La présente étude se propose de discuter ces questions au moyen d’une double mise en perspective : d’une part en replaçant La langue des calculs au sein de la philosophie condillacienne, de sa logique propre et de son évolution interne ; d’autre part et de façon plus générale, en rapportant les thèses pédagogiques développées dans l’ouvrage au débat, entamé dès le siècle précédent, qui oppose, concernant la « méthode de doctrine » la mieux appropriée à l’enseignement des mathématiques, les tenants de la voie dite « synthétique » aux tenants de la voie dite « analytique ».
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