Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? La logique symbolique de Lewis Carroll
Comprendre la logique symbolique de Lewis Carroll (1832-1898) n’est pas « sans peine ». En effet, on le voit reprendre des principes propres à la logique aristotélicienne tout en manifestant un souci d’innovation dans la lignée symboliste. Il ne faut pas nécessairement y voir un effort de réconciliation mais plutôt une appropriation prudente d’outils mathématiques sans pour autant renoncer à l’indépendance de la logique comme champ disciplinaire, distinct et même menacé par les mathématiques dans les universités victoriennes. Pour comprendre la logique de Carroll, il ne faut pas perdre de vue l’importance qu’il accorde à l’application de la logique dans la vie quotidienne et son souci d’être lu et compris par un large public. Cet impératif l! ’amène à ne pas céder aux libertés de « convenance » que s’offre la majorité des logiciens symbolistes de son temps. Cela explique particulièrement son choix d’accorder une portée existentielle aux propositions universelles affirmatives, décision qui complique l’ensemble de ses investigations. En s’affranchissant de cette portée, ses collègues manipulent beaucoup plus aisément ce type de propositions. En revanche, Carroll traite bien mieux les énoncés existentiels qui causèrent tant de soucis à Boole dans son écriture algébrique et à Venn dans sa représentation diagrammatique. La logique de Carroll se présente ainsi comme une logique (médiane) post-syllogistique et symbolique. En cela, elle reflète parfaitement les préoccupations des logiciens de son temps, tiraillés entre divers courants qui se sont affrontés durant cet! te période mouvementée de l’histoire de la logique.