Voyage en Pentagonie
Le carré, le cercle, le triangle équilatéral sont des figures très anciennes, résolues, rassurantes. Leur usage architectural et graphique est courant, chacun sait les tracer sur une nappe de restaurant.
Le pentagone n’a pas ces vertus, difficile à dessiner à la main, il n’évoque rien, même pas beau. La rumeur lui prête une connivence avec le nombre d’or, nombre irrationnel, incalculable. N’est ce pas ce phi grec qui, si on lui ajoute 1, devient son carré? Aucun nombre ne sait faire ça. Les sectes adoratrices du nombre d’or pullulent sur le net. La croix de Satan est un pentagramme, on sent le bûcher. Toujours en douteuse compagnie, le pentagone est le lieu et le symbole de la puissance américaine.
Il est curieux de constater que la version étoilée du pentagone n’a pas cette réputation : elle orne les sapins de Noël, les messages de joie et d’optimisme. Les marques en abusent, elle est devenue un graphisme niais, comme le cœur, la maison et son toit, un smiley. Cependant, l’étoile à cinq branches n’a pas oublié sa lourde hérédité pentagonale : elle décore gravement les militaires, les flics, les drapeaux, elle sanctionne aussi les hôtels et les restaurants, il n’est jamais bon de perdre une étoile, même à cinq branches.
Quand on sait diviser un cercle en cinq, on sait diviser un demi cercle en cinq et là, on entre en cathédrale, le pentagone est sacré, sa géométrie se fait chevet et referme la nef autour de la croix en cinq parts rigoureusement égales. Les chevets gothiques sont impairs, à trois, cinq ou sept parts, l’axe de la cathédrale ne doit être interrompu par aucune colonne.
On parlera simplement des roues de charrettes à dix rayons, de tracés jardiniers faux mais incroyablement précis, d’équerres d’or et d’argent, de pavages et d’architecture, à ce sujet, on ressentira le malaise visuel que peut provoquer un angle à 108 degrés, ce coin de pentagone ressemble à un angle droit mal fichu.