Indiscipline : pour une perspective orientée et pragmatique de la connaissance dans le champ de l’environnement. / Colloque international pluridisciplinaire "Le littoral : subir, dire, agir"
Point de vue de Bernard Kalaora sur le sujet.
Le littoral occupe une place particulière dans la dynamique des territoires. Interface multiple entre terre et mer, nature et
société, volontés politiques et pratiques sociales, il est l’objet de très forts enjeux et de débats passionnés. Eco-sociosystème
particulièrement complexe, le littoral est de plus en plus un espace ambivalent, attirant car porteur de richesses
et d’aménités liées à la présence de la mer, mais aussi marqué par de fortes contraintes naturelles et anthropiques
génératrices de concurrences, de conflits et de risques divers.
Particuliers désireux d’habiter le littoral, touristes et excursionnistes venant profiter des activités de loisirs liées à la
plage et la mer, industriels attirés par la proximité des ports, développement des activités portuaires, producteurs
d’électricité éolienne, etc., tous ces acteurs sont (de plus en plus) dévoreurs du même espace, sur lequel leurs intérêts
sont souvent divergents, parfois même incompatibles.
La GIZC, déclinaison littorale du développement durable, tente d’apporter un regard neuf sur cette complexité. Elle se
pose comme principe organisateur, pour guider l’action et définir le champ des possibles. On sait en effet qu’une des
difficultés d’application du principe de développement durable, et donc de la GIZC, est de faire coexister deux logiques
qui n’ont finalement que très peu de points communs : celle des territoires décentralisés qui se mobilisent et agissent
avec pragmatisme et efficacité pour le développement local et celle d’un niveau global (national ou supra-national),
garant des grands principes de responsabilité, de solidarité, d’éthique. La GIZC cherche à créer des passerelles entre
ces deux logiques.
La gestion du littoral s’inscrit aussi dans les nouvelles formes de l’action publique qui accordent aujourd’hui une
plus grande place aux principes de décentralisation et de gouvernance. Dans ce contexte, la mise en pratique de la
GIZC soulève de nombreuses interrogations sur l’avenir du littoral et les moyens de l’assurer : quels acteurs, quels
territoires de projets, quels objectifs, etc. ? Au-delà de ces questions, d’autres, plus fondamentales et souvent liées
à la mondialisation se posent : «Donne-t-on la priorité à l’autonomie, à la singularité, au développement endogène, à
l’identité £ ou au contraire à l’équité, à la réduction des externalités et à la mutualisation des risques entre collectivités
manifestement inégales ?» (Theys, 2002). Sur le littoral, plus qu’ailleurs car les enjeux y sont concentrés, on se trouve
«pris en sandwich» entre la peur de la mondialisation, de la banalisation, de la «macdonaldisation du monde» et la
crainte du communautarisme, du déclin des solidarités, du repli sur soi.
Un équilibre dynamique entre local et global, initiatives privées et interventions publiques, marché et régulation, est
nécessaire à un «développement équilibré du littoral» (DATAR, 2004). Il fluctue constamment selon les lieux et les
époques, en fonction des orientations politiques, des contextes socio-économiques, des idéologies...
Ainsi, il apparaît de plus en plus important d’assurer le dialogue et les échanges de connaissances entre les chercheurs
(géographes, écologues, économistes, sociologues, juristes, politistes…), les gestionnaires (Etat, collectivités
territoriales…) et les usagers (industriels, pêcheurs, conchyliculteurs, touristes, résidents…) du littoral.
D’un certain point de vue, occuper le littoral, y avoir ses activités de production ou son lieu de résidence (principale ou
secondaire), c’est subir : l’érosion côtière, les pollutions marines, les nuisances des industries portuaires, la hausse du
prix de l’immobilier, les contentieux de la loi Littoral (dans le cas français), les conflits d’usages en général, etc. Face à
ces contraintes, comprendre, analyser, s’organiser, c’est avant tout dire. Dire pour affirmer et tenter de faire partager sa
vision du territoire littoral, les priorités que l’on y met, l’avenir que l’on y projette. Comprendre et nommer les contraintes
et les enjeux, les analyser, c’est enfin commencer à agir. Agir pour choisir parmi l’étendue des possibles, pour aménager,
pour gérer, pour préserver, etc. £ donc pour vivre le littoral.
Subir, dire, agir, à travers ces trois verbes, le colloque a bien pour but de contribuer à la compréhension des phénomènes
littoraux, dans l’étroite intrication de leurs dimensions économiques, sociales, politiques et environnementales.
Ainsi, ce colloque international s’adresse à tous ceux qui s’interrogent sur la spécificité et le devenir du littoral, qui
souhaitent comprendre ses enjeux spécifiques, construire et/ou utiliser des outils d’analyse et de gestion de celui-ci. Les
intervenants et le public attendus sont des géographes, sociologues, économistes, politistes, juristes, écologues, etc.,
ainsi que tous les praticiens appartenant à des collectivités territoriales, des administrations déconcentrées de l’Etat,
des associations, des syndicats professionnels, des sociétés industrielles, etc. confrontés à la complexité du système
littoral.