L’énergie après Einstein : pour comprendre « eu égale emme cé-deux »
La formule E = mc2 est sans aucun doute la plus connue et la moins bien comprise de toute la physique. Elle a fait l’objet de tant d’exégèses, commentaires et dissertations, qu’elle est comme masquée par une épaisse gangue d’interprétations, souvent fallacieuses. C’est que, contrairement à nombre d’autres aspects de la physique contemporaine (en théorie quantique, par exemple), la formule d’Einstein se prête à une certaine mythification, voire parfois mystification, en raison même de sa simplicité – apparente. On peut difficilement imaginer une relation plus rudimentaire que celle qui lie trois grandeurs, E, m, c, avec au surplus le seul petit nombre 2.
Cette trompeuse simplicité a certainement joué pour beaucoup dans l’engouement dont elle a été l’objet, et l’a rendue souvent aussi fumeuse que fameuse. La difficulté en l’occurrence est la suivante : les grandeurs qu’elle fait intervenir, soit E, m, c, renvoient à des concepts semble-t-il communs - l’énergie, la masse, la vitesse. Or, précisément, toute la révolution théorique initiée par Einstein montre que ces termes doivent être pris en un sens qui s’écarte assez fortement de leur sens initial. Il faut donc se livrer à un sérieux travail de décapage et commencer par expliciter ce qu’elle ne veut pas dire avant que de pouvoir l’élucider.
Jean-Marc Lévy-Leblond est Professeur émérite de l’université de Nice-Sophia Antipolis. Physicien et philosophe, il dirige les collections Science-Ouverte, Points-Sciences et Sources aux éditions du Seuil, a fondé et dirige la revue Alliage, est l’auteur de nombreux ouvrages et essais sur les sciences, et l’épistémologie des sciences
Bernard Maitte est Professeur émérite à l’Université de Lille. Fondateur et premier directeur du Forum des Sciences, il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Histoire de l’arc-en-ciel (Seuil) et Une histoire de la lumière de Platon au photon (Seuil)