L’abstention met-elle en question le modèle démocratique ?
La science politique s’est intéressée tardivement à l’abstention car, longtemps, ce qu’il est convenu d’appeler les démocraties pluralistes connaissaient des taux de participation très élevés aux divers scrutins. Le fait de n’être pas inscrit sur les listes, de ne pas aller voter, de voter blanc ou nul, bref tout ce qui d’une certaine façon était apparenté à des formes de déviance politique était renvoyé au deuxième plan. L’idée, particulièrement présente en France, selon laquelle le vote était un devoir civique indiscutable écrasait en quelque sorte les débats.
La donne a changé mezzo voce à partir des années 1980 puis, plus clairement, au tournant des années 1990 et 2000 lorsque, élections après élections, le niveau de l’abstention a augmenté, dans presque toutes les « vieilles démocraties », jusqu’à atteindre parfois des niveaux inimaginables quelques années auparavant. Ce phénomène durable a conduit les politistes à s’en emparer aussi bien pour en faire la description que pour tracer des pistes d’analyse et de compréhension et, enfin, esquisser quelques « solutions ».