Une histoire des couleurs
Nos yeux révèlent la splendeur colorée de la nature et les subtiles nuances qu’elle présente. Toutes les couleurs produites par l’industrie humaine le sont en ajoutant à un substrat pigments ou colorants ; il faut les enlever pour obtenir le blanc. S’appuyant sur ces pratiques, Aristote affirme la pureté du blanc et le caractère composite de toutes les couleurs.
Cette position reste hégémonique pendant deux millénaires. À partir de Descartes, la notion d’échelle colorimétrique prend sens (1637). Isaac Newton apporte un renversement complet de perspective : en 1666, il fait du blanc un mélange, définit sept couleurs « pures », les intègre dans une théorie corpusculaire de la lumière. Ces positions, tirées d’autres expériences et d’un mysticisme certain sont vivement combattues par ses contemporains et successeurs, dont Goethe. Elles sont partiellement admises après la victoire de conceptions ondulatoires de la lumière où Thomas Young introduit la notion de vision trichromatique (1807), Augustin Fresnel la force de l’analyse mathématique (1817) et James-Clerc Maxwell la théorie électromagnétique (1857). Pour que nos modernes conceptions émergent, il faut que Hermann von Helmholtz, empruntant à Newton, à Goethe, à Young, fonde (1870) une physico-physio-psychologie des couleurs, que Chevreul (1879) enrichit aux Gobelins : ils contribuent à préparer les reformalisations du 20ème siècle.
C’est toute cette histoire d’approches, de conflits, de succès provisoires qui sera retracée : situer ces débats dans leurs contextes permettra de montrer la permanence de certains questionnements et le perpétuel réenchantement de la recherche.
Bernard Maitte est Professeur émérite à l’université de Lille. Fondateur et premier directeur du Forum des Sciences, il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Histoire de l’arc-en-ciel (Seuil) et Une histoire de la lumière de Platon au photon (Seuil).
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