Formes de restitution et de circulation des sciences sociales
Deux modèles de production semblent dominer en sciences sociales. D’un côté, celui des productions canoniques, évaluées et certifiées, répondant à des critères de normalisation de plus en plus poussés et qu’interrogeait une précédente édition des rencontres d’EspacesTemps.net consacrée à l’évaluation.
De l’autre, tout un univers de productions issues soit de « littérature grise » (rapport de recherche, notes et carnets d’enquête…) soit de formes non-canoniques et ne répondant pas aux critères d’évaluation de la recherche (film, expositions, conférences filmées…). Plusieurs logiques concourent à la place de ces productions. La généralisation de la recherche par projet, les injonctions d’ingénierie du social commandent des obligations de « transfert » des connaissances scientifiques dans le champ économique et social. Par ailleurs, de nombreux chercheurs, notamment en anthropologie, ont le souci de restituer des connaissances « au terrain » et participent aux logiques d’empowerment des partenaires de la recherche. Cette attention aux formes de restitution de la recherche a généré un foisonnement de productions et permis de revisiter les pratiques anciennes de « vulgarisation » en ouvrant la réflexion sur les médiations de la recherche. Elles ont aussi occasionné des modes de travail collaboratif entre chercheurs, artistes, informaticiens, réalisateurs, infographistes, designers, spécialistes de la « visualisation des données », etc.
Nous souhaitons donc questionner la persistance de ce double modèle au regard des formes d’hybridation que nous pratiquons de fait.
La même enquête peut donner lieu à un article, un rapport, un chapitre d’ouvrage, constituer la base d’un film, d’une intervention publique.
Ces productions se font échos, s’y déploient des formes d’intertextualité qui signent ce processus d’hybridation.
Enfin, nous souhaitons questionner la circulation de ces productions. Est-il possible, pour certaines d’entre elles, « objets incongrus »
ou résistants aux pratiques de peer-review d’accéder au statut de production « scientifique ».
Il faudrait peut-être pour cela les considérer comme des explorations, des chams d’investigation sur la science et sur les régimes
de scientificité auxquels elles répondent.