Frédéric PROT Maître de conférences à l’Université de Bordeaux Montaigne
« De la crise à la tragédie de la culture dans l’œuvre gravé de Goya »
La satire –expression chez Goya d’un dégoût vis-à-vis des forces de dislocation de l’espace communautaire (les puissances du faux et le faux-monnayage) et d’enlaidissement de l’homme– formule une crise de la culture qui, pendant la Guerre d’Indépendance, va se dépasser dans la catégorie tragique (cf. gravure 37, « Esto es peor »). L’intuition précoce chez Goya qu’une nouvelle psychomachie des monstra et des astra s’est déclarée en Espagne (à savoir un affrontement entre les forces de désagrégation de la culture, de décomposition des formes où le monstrueux vient grimacer dans l’être, et celles, qui, au contraire, élèvent celui-ci vers la connaissance et la lumière) réclame que soient envisagés de façon cohésive les recueils des Caprices et des Désastres : si le premier, par la satire, fustige un temps dégénéré, le second marque la stupeur face à un temps disloqué, où perce la violence archaïque, origine tourbillonnaire de la culture.