La difficile institution du juste
Ricoeur a proposé un renouvellement de la pensée du droit. C’est parce que le droit est ébranlé par l’expérience du mal, toujours déstabilisé entre la promesse d’une cité heureuse et la rigueur de règles qui empêchent le pire, que la recherche du juste se met en mouvement. Ce qui permet de sortir de l’affrontement entre ces deux acceptions du juste, c’est la sagesse pratique, c’est-à-dire sa capacité à s’interpréter dans la singularité des situations,à porter les conflits à l’intelligence du compromis, à reformer la cohérence des sujets et des liens sociaux en dépit de
leur fragilité. Olivier Abel
La langue française ne permet pas de distinguer, lorsqu’on dit : « Le juste », s’il s’agit d’un neutre ou d’un masculin, si l’on parle de la catégorie de ce qui est juste, de ce qu’il est juste de dire ou de faire ou si l’on a en vue un Juste, comme dans l’expression « Juste des Nations ». Très ancienne dénomination, on la retrouve dans le discours philosophique d’Emmanuel Levinas comme une figure
voisine, et pourtant distincte, du « Sage ». Cette figure est tout entière nourrie de références bibliques et talmudiques, d’imaginaire merveilleux et de nostalgie. On aurait tort pourtant
de ne voir là qu’une figure littéraire ou hagiographique. La catégorie du Juste chez Levinas ne se situe pas, comme chez Ricoeur, « entre légal et le bon », mais il procède du bon, d’une position spéculative qui place le Bien au-delà de l’Etre. Enfin, le Juste pourrait être un attribut de la catégorie politique du Juge ou du Tribunal, Levinas prend bien soin de ne pas fusionner les deux places et éclaire, par là, le problème théologico-politique de la modernité. Jean-François Rey
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