La mémoire du corps
Dans les situations cliniques évoquées, la présence d’un corps impossible à oublier fait symptôme, c’est-à-dire au sens étymologique, « évènement » - du grec, « sun-piptein », « ce qui tombe ensemble » dans la parole. C’est par exemple le corps blessé dans le passé de Karim six ans, gravement opéré à 18 mois et longuement séparé de sa mère ou celui de Virginie, 28 ans, dont la toux déchirante lui rappelle celle de sa mère malade pendant 10 ans et décédée à ses 18 ans.
Le retour des patients à l’hôpital, ce lieu inscrit dans leur mémoire comme endroit au sein duquel le corps a été meurtri, permet l’énonciation de leur récit. Et parce que la mémoire n’est pas le souvenir, les mots pour dire le corps blessé prennent une valeur de révélation dans la rencontre, lorsque le patient est amené à associer librement sur ce qui le fait souffrir.
Ma pratique de « l’instant de dire » à l’hôpital, référée à la psychanalyse, permet un acte créateur dans et par la parole qui a la fulgurance, l’éblouissement du temps de l’instant, passant de l’éphémère à l’éternel. Imprévisible et pur présent, son éthique est celle du tragique. Et si l’acceptation tragique du destin nous amène à nous avouer mortel, l’accentuation du présent est une manière de dire oui à la vie.
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