Analyser les processus de création musicale-Pascal Decroupet
Pascal DECROUPET (Univ. de Nice‐Sophia Antipolis) : "Génétique – théorie – histoire – esthétique"
Les traces génétiques du travail de composition sont toujours incomplètes : certaines esquisses ont été perdues ou détruites, d’autres n’ont même jamais été écrites, leur matière restant permanente dans la seule « mémoire vive » du compositeur. Si l’absence de sources pose problème à l’historien, le théoricien ne sera guère aidé par l’état souvent implicite d’une pensée
compositionnelle en devenir au moment de l’élaboration d’une pièce donnée. Dans mon travail sur esquisses, les indices contenus dans les traces servent à construire un premier réseau qui sera ensuite complété, de façon spéculative, pour parvenir à une théorie explicite de la réalité sonore, base pour une interprétation esthétique. Pareille théorie oscillera entre déduction et induction et s’appuiera sur la synergie d’informations de natures hétérogènes.
Rejetons l’idée selon laquelle la consultation des esquisses nous ferait accéder à un « âge des certitudes » ; tout comme il est faux d’imaginer le musicologue « conditionné » par le compositeur par simple suite d’informations prélevées dans des sources non publiques. Au contraire : le travail génétique n’existe pas en dehors de la subjectivité du chercheur.
Les exemples qui illustreront différentes positions au sein de ce réseau sont tirés d’œuvres de Boulez, Stockhausen, Zimmermann et Berio.
Pascal Decroupet a fait des études de musicologie et de musique à l’université et au Conservatoire royal de musique de Liège, suivies d’une thèse de doctorat sur les ramifications de la pensée sérielle chez Boulez, Pousseur et Stockhausen dans les années cinquante. Auteur d’un Catalogue raisonné des esquisses de Stockhausen pour Kreuzspiel et Momente (Fondation Paul Sacher, Bâle, 1993), éditeur des Écrits de Henri Pousseur (2004, 2009) et des Esquisses et manuscrits du Marteau sans maître de Boulez (Schott, Mayence, 2005), il a succédé à Pousseur à l’université de Liège en 1994 et est depuis 2005 professeur à l’université de Nice-Sophia Antipolis.